2003. Tours, l’IUT de journalisme. Au début, c’était plus fort que moi, je ne pouvais pas m’empêcher de me sentir un peu supérieur aux autres étudiants, avec mes deux ans d’expérience professionnelle. Ca m’a joué des tours, et j’ai dégonflé le melon assez vite. J’ai même viré à 180°, hop là tout d’un coup, et j’ai commencé à rire de moi-même. L’autodérision, ça vous rend plus populaire… et parfois aussi plus ridicule. Je suis tombé dans l’excès inverse, ça m’a joué des tours là aussi. Raconte un jour une anecdote croustillante à ton sujet, et quelques mois plus tard ça te reviendra dans la figure modifié-amplifié-exagéré-transformé. Et là, quand ça t’arrive, tu comprends pas, tu tombes des nues. Et puis c’est tellement gros comme ton histoire a été métamorphosée que tu finis par en rire. Tu te dis que le téléphone arabe, vraiment, c’est pas un très bon moyen de communication.

Bref, l’IUT, ça a surtout été l’école de la vie pour moi. Parce que les cours… dans le contenu, c’était aussi inégal que 2 et 2 font 5. J’aurais bien envie de vous faire une galerie de mini-portraits des profs, mais je ne voudrais pas être attaqué pour diffamation. Je retiendrai surtout les douces folies de la vie étudiante, la vie en quasi-communauté, dans notre joyeuse bulle. On partageait tout ensemble, ou presque: les cours, les révisions, les sorties, les bouffes, les galères, les histoires de cœur et de fesses… Je ne le savais pas encore, mais ça allait me faire bizarre quand j’allais sortir de cette bulle, qui s’éclate tout d’un coup à la fin des études. Sensation de manque, de solitude, d’être orphelin parfois… Jusqu’à la bulle suivante, plus petite, plus sage… différente en tous cas.

Avant l'IUT, il y a eu la fille. La fille qui m’a fait reprendre confiance en moi, en matière de sexualité notamment. Mais comme cela déclenche beaucoup de choses, ça m’a aidé en général. Oh ça n’a pas duré longtemps, juste suffisamment pour me faire sentir bien. Merci à toi, si tu me lis.

Arrivé ici, je m’interroge. J’ai choisi le chemin descendant, donc j’ai commencé à 2006 pour terminer en 1981 (ou peut-être avant, qui sait…) Du coup, il me semble un peu étrange et illogique de raconter une année depuis le début jusqu’à la fin; mais il est difficile de raconter une année à rebours, de fin décembre à début janvier, 12 mois avant. Intéressant exercice littéraire que miss Kozlika nous offre là…

Continuons à rebours donc. Avant l’IUT, en huit mois, j’ai bourlingué. Sur cette courte période, j’ai travaillé à Angoulême, Mont-de-Marsan, Jonzac, Royan, Langon, Saintes, Condom, Auch et Blaye. Ouf! J’ai découvert les charmes de l’estuaire de la Gironde, des fins-fonds de la forêt landaise, l’ennui d’une cité balnéaire en pleine hibernation, le calme et les douceurs de la vie gersoise... J’ai appris des choses étonnantes, entendu des choses surprenantes aussi. Comme ces pauvres paysans dont le troupeau de moutons avait été ravagé par une meute de chiens errants, que j’étais venu interviewer, et qui m’ont demandé combien ils me devaient à la fin de l’entretien!

Par trois fois, à Langon, Condom et Blaye, j’ai débarqué dans des endroits que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam ni d’Abraham, et où il fallait tout de suite se débrouiller tout seul, apprendre illico à se repérer dans la ville, à savoir qui sont les gens importants, les sujets-phares... En plus, je suis arrivé à Condom après que l’agence ait subi un léger incendie, et à Blaye, le lendemain d’un dégât des eaux. Démerde-toi avec ça Coco!

Oui, pour les gens qui n’ont jamais touché au journalisme, tout ça peut ne pas paraître sérieux, et sembler mauvais pour la crédibilité du journal. Mais en fait, je me suis rendu compte que bien des fois, les p’tits jeunes qui débarquent ainsi se débrouillent tout aussi bien que les journalistes titulaires, écrasés par la routine. Les p’tits jeunes comme moi, ils ont l’envie, la curiosité, ils ont un œil neuf…

J’ai ainsi parcouru tout le Sud-Ouest dans ma p’tite voiture. Knut elle s’appelle ma voiture, depuis qu’une Allemande l’a baptisée ainsi. C’est mignon non? Combien de fois, durant des périples hasardeux dans des coins désolés, j’ai craint la panne sèche, et combien de fois tes ressources m’ont étonné, petite Knut! Combien de kilomètres as-tu pu faire presque à jeun, assoiffée de carburant? Tu me connaissais, tu en gardais toujours un peu en réserve, au cas où.

Désormais doté d’une conscience écologiste, je limite au maximum les déplacements en voiture, et Knut est au garage en France tandis que je suis au Chili, mais je la remercie pour son aide et sa fidélité.

Hein? Comment? J’entends pas… Ah oui d’accord! Knut, on me transmet que le garagiste te remercie pour lui avoir été aussi fidèle. C’est vrai que tu vieillissais et qu’il fallait régulièrement t’emmener à l’hôpital des autos. Maintenant, tu es en garage de retraite.

Quant à moi je ne sais pas comment finir ce Ricochet de 2003 qui a déjà beaucoup rebondi et traîne en longueur. Je n’ai pas de chute: on dirait qu’il ne veut pas faire plouf, il a déjà traversé toute l’eau sans doute. Alors à défaut de plouf, (et là attention il y a un message subliminal quasi-incompréhensible même pour la personne concernée), je vais terminer par ricocher sur les cailloux par un beau SHPLOK!