La peinture et l'organisation du squatt occupe tout mon temps, je m'investis à fond. j'organise ou participe à des expositions collectives avec l'asso,
Au mois de juin Je dois laisser mon appartement car je ne peux plus payer le loyer seule, je décide de vivre à l'atelier. Il y a une mezzanine j'ajoute ma gazinière et ça roule.
Un projet voit le jour au sein du squatt : la conservatrice française de la dokumenta X a lancé une phrase "la peinture est morte" cela sera pris pour un défi par certains. Pour lui prouver que nous sommes bien vivant. ils organisent une expédition pour un squatt d'été en Allemagne. J'essaie de m'incruster mais ils ne me prennent pas au sérieux. Pourtant je monterai les rejoindre à Kassel accompagnée d'une jeune allemande et de mon ami de l'époque.
Nous avons une adresse et une description des lieux. Le voyage est épique il me faudra changer mon alternateur au bord de la route toute seule en empruntant les outils à la casse qui me l'a vendu, c'est samedi personne de libre pour le faire.
Je ne me souviens plus comment nous avons réussi à arriver à bon port, mais à 1 heure du matin, ce sont les retrouvailles, nous sommes crevés mais c'est une grande fête. Après le repas on nous emmène en visite dans la ville endormie, finalement je ne dormirais pas pendant 40 heures, et je découvre le plaisir de travailler dans cet état second.

Le bâtiment fait 7 000 m2 sur 4 étages, je m'installe au deuxième, j'ai un espace de 18m sur 30m, c'est le rêve ! Pendant un mois je travaille jour et nuit je m'attaque à de grands formats. La peinture prend une dimension physique que je ne connaissais pas. Je suis dans l'expérience totale. Le lieux est ouvert à tous visiteurs, j'apprends à les oublier pour n'être que dans ma peinture.
Je rentre au bout d'un mois, mais c'est plus fort que moi j'y retourne pour août. Paris est mort rien à y faire et l'aventure m'appelle

Dans le squat, la donne a changé, pendant mon absence la communauté s'est réorganisée, elle fonctionne sur la récup et la démerde, la majorité des personnes est en effet sans le sou, cela remet en question mon rapport à l'argent. C'est la première fois de ma vie que le problème n'est pas de ne pas avoir assez d'argent mais tout simplement d'en avoir contrairement aux autres , je dois apprendre le partage, ou plutôt le don. Après 3 jours de réflexion où j'hésite à laisser tomber et à rentrer, je trouve ma place. Nous sommes 3 dans cette situation, je paie en alternance les courses de base avec l'un d'entre nous, le troisième prend en charge les extras comme la viande, le reste nous vient des dons de maraichers du marché et d'un boulanger qui nous fournit en pain et invendu depuis le début.( chacun lui fera un cadeau en remerciement.)

Je vends ma première toile à l'étranger, pourtant je n'en tire guère de fierté, ce soit disant mécène négocie comme un marchand de tapis, je me sens salie par la transaction.

C'est une année de remise en question totale, je me sépare de mon ami pendant le voyage en Allemagne, quand je rentre en France je ne supporte plus la vie au squatt de Belleville, c'est de plus en plus violent, cela va jusqu'à la mort d'un type par défenestration. Une amie me propose de vivre avec elle et son fils, cela durera 3 ans.
Je deviens membre d'une famille et je participe à l'éducation d'un enfant. Une nouvelle vie commence.