L'église de Montaigu, minuscule, mais claire et chaleureuse, est pleine de monde.

Une enfant aux yeux bleus - les yeux bleus qu'ont tous les enfants de cette famille du village - une enfant d'un enfant du pays donc, est habillée d'une robe en soir blanche qui bouffe autour de sa couche. Et tout les familiers de ce coin perdu du Jura sont venus dirait-on l'accompagner jusqu'à l'autel.

Mon parrain, ma marraine s'avancent, et tout athées qu'ils sont promettent de me servir de guides. Ma mère se surprend à être émue elle aussi.

Mon père, et avec lui ses parents, sont gonflés de la joie lumineuse de leur foi. Le moment où je souris de la main mouillée du prêtre sur mon crâne est une grâce pure.

Plus tard, bien plus tard dans la nuit, une enfant de deux ans et demi s'éveille en hurlant "Oui je le rejette ! Oui je le rejette !". Je suis glissante de sueur. Trop d'émotions, trop de grandeur, pour un si petit être.

C'est l'église où j'ai été baptisée, celle où j'ai reçu ma communion. Quand je m'imaginais me marier, c'était là. C'est celle où j'enterre mes morts. C'est la seule que je fréquente, rarement, pour y entendre le chant de mon grand-père. Il y a des souvenirs autour de ces murs, de quand on allait chercher le Père Noël, minots, puis quand on avait grandit et qu'on bernait à notre tour les plus petits, pendant que les adultes plaçaient les cadeaux.

Les lieux nous marquent. Là où ça compte pour moi, même agnostique, lointaine et absente, je suis une enfant de la petite église de Montaigu.