L'expérience de Kassel pendant la Dokumenta X, m'a donné gout aux voyages utiles.
J'ai donc passé cette année à monter un projet d'expo à Lisbonne parallèlement à l'Exposition universelle, avec un des initiateurs de l'an passé.. Les démarches n'ont pas abouti mais mon entêtement a porté ses fruits. Nous sommes partis à 5 tenter l'aventure du squatt sur la terre lisboète.
Nous avons défriché un espace de 20 000 m2 que nous avons investi de nos créations plastiques en travaillant sur place.
Nous avons eu pas mal de presse et de jeunes artistes locaux sont venus se joindre à notre équipe. Pourtant les trois mois passés à Cacilhas en face de la capitale ont été très durs humainement.
Il a fallu dès notre arrivée jouer avec le machisme ambiant et imposer nos règles, dont le respect de la parole de chacun et surtout chacune. Parce que là bas ma parole était complètement niée et cela sans état d'âme. Je n'avais jamais vécu une telle mise à l'écart ; Dès le début, lorsque un jeune pénétrait dans notre espace nous l'abordions pour lui expliquer que c'était une partie privée mais qu'il pouvait aller partout ailleurs dans le lieu.
Lorsque c'était une femme le gamin faisait mine de ne pas comprendre et essayait de passer outre, lorsqu'un homme intervenait et répétait mot pour mot notre discours, le gars lâchait l'affaire et comprenait (nous prenions des cours de portugais ensemble et nous étions tous au même niveau, ce n'était pas un problème de langage).
Ces jeunes gens un peu perdus qui fréquentaient l'endroit ont fini par nous accepter mais la lutte était quotidienne. Je ne me suis jamais autant sentie en danger permanent. En tant que femme, célibataire de surcroit, j'étais la proie des fantasmes masculins. Il semblait que je ne pouvais pas exister en dehors de la protection masculine. Il a fallut malgré mes peurs, marquer mon individualité et refuser de me laisser dominer en m'isolant de la maison communautaire. (un couple de musiciennes n'avait rien trouvé de mieux que de demander la protection de jeunes gens inconnus, pour moi c'était faire entrer le loup dans la bergerie)

Je me rends compte en me relisant que cela a peut être été déterminant dans mon refus de faire entrer un homme dans ma vie pour les 5 années suivantes

Avec du recul j'arrive à trouver du charme à tout ça mais sur l'instant je ne pensais qu'à fuir cet enfer, n'ayant pas de véhicule j'étais dépendante du groupe, et j'ai dû attendre le retour collectif.
J'ai quand même fait de trés belles peintures, l'une d'entre elles a eu un franc succès auprès des jeunes, ils lui ont donné son titre "Alice in a wonderland" ils venaient régulièrement la voir même de nuit quand ils étaient stone.

Alice in Wonderland de Zabou M.

J'ai dépassé mes limites, j'ai même réussi à dompter un petit caïd du quartier en lui tenant tête le premier jour où je l'ai empêché de nous voler et les jours suivant où il s'essayait en pacha puis en lui accordant ma confiance en le laissant visiter seul mon appart, ce qui l'a désarçonné, il n'était plus en rapport de force habituel. En partant je lui ai offert une peinture en espérant qu'elle lui rappellerait cette confrontation et qu'il pourrait envisager les femmes sous un autre angle. pas seulement vues de dessus.

En rentrant j'ai acheté un Ford transit comme un billet pour la liberté je l'ai nommé Gazoline pour rester entre filles et pour vaincre mes peurs, je me suis inventé des voyages initiatiques comme le tour de la Bretagne en 10 jours, dormant dans mon camion, j'ai écrit lu et apprécié les paysages toute seule comme une grande...