Ils s'appellent Laurent, Renaud, Agnès, Camille, Bérénice ou Thomas. Avec eux, je découvre le pouvoir des mots, les joies de leurs associations, la force de leur évocation. J'écris des lettres, des poèmes, des micro-nouvelles, des débuts de romans... Comme je n'ai pas de blog, tout s'ammasse dans des cahiers d'écriture et autres journaux intimes. J'ai des pochettes de carton pleine de ces feuilles sur lesquelles nous jetions des mots pendant des cours ennuyeux, des pauses ou en sortant de table. Notre jeu préféré ? Faire des associations de mots. Mes poèmes s'étalent sur leurs murs et les miens, déjà couverts d'oeuvres de Prévert recopiées en tirant la langue, accueillent quelques uns des leurs.

Jusqu'à présent, je lisais sans trop y penser, énormément, en engrangeant les mots, les phrases, les histoires et les idées. Maintenant je suis avide de jolies associations, de mots d'esprits, de belles phrases, que je note avec empressement dans un carnet. Sans m'en rendre compte, je deviens omnubilée par l'expression écrite ; je panse mes douleurs de chansons de Ferré et m'oublie dans la lecture de pavés. Je passe des heures chez les bouquinistes ou dans des librairies, à pondérer quels ouvrages mon maigre budget va me permettre de m'offrir. J'échange, j'emprunte, j'offre, je reçois, j'achète... les livres transitent par mes étagères, certains pour quelques jours, d'autres pour des années. Ferré, Camus, Rostand, Baudelaire, Hugo, Kafka, Borgès, Beckett... tous les genres y passent, analysés entre amis, honnis ou adorés.

Au lieu de résoudre des problèmes d'analyse fonctionnelle, je brouillonne des sonnets. Au lieu d'étudier les lois de l'électricité, je décortique des romans absurdes. Au lieu de rédiger des preuves, j'écris des lettres de dix pages. Il va sans dire que, même si mes performances scolaires en ont quelque peu pâti, je ne regrette pas...