En 2001, je fête mes 40 ans avec 40 personnes qui me sont chères.
J'envisage la quarantaine avec sérénité même si je pense avoir encore du chemin à faire avant d'être en paix avec moi-même. Le printemps se passe en fêtes, tous mes amis passent le cap et nous voguons de soirées et soirées, un peu éméchés, un peu amusés et finalement heureux de nous retrouver adultes.

L'automne nous cueille le 11 septembre. Je ne garde qu'un vague souvenir du moment où, au volant de ma voiture, j'entends à la radio l'incroyable nouvelle de la chute des tours de Manhattan.
L'explosion qui s'inscrit de façon indélébile dans ma mémoire, c'est l'explosion de l'usine chimique AZF, dans ma ville, Toulouse, le 21 septembre, dix jours après le 11.
Je me souviens des minutes qui se sont égrenées ce jour-là, depuis le bruit d'un choc étrange jusqu'aux premières manifestations de la puissance publique. La voiture de la police municipale avec son mégaphone nous demandant de rester confinés. Le directeur traversant la cour, un mouchoir blanc sur le bas du visage. Les premiers parents venant chercher leurs enfants. Le nuage orange et les mots des collègues : "alerte Seveso".
La longue file ininterrompue des voitures quittant la ville, empêchant toute circulation, pare-choc contre pare-choc.

Et dans les jours et les semaines qui ont suivi, la découverte des images, le cratère de l'explosion, les bâtiments détruits sur des kilomètres, les cadavres et les blessés, les témoignages de ceux qui étaient sur les lieux.
Les grandes manifestations de soutien : "Usine à risque, plus jamais ça, ni ici ni ailleurs", le ruban des marcheurs encerclant les boulevards de ceinture, avec un arrêt devant la caserne des Pompiers et de longues minutes d'applaudissements.
La morgue de Total, le chagrin des ouvriers, la fermeture de l'usine.

C'est à ce moment-là que Maureen a décroché un entretien pour aller travailler à l'autre bout de la France.