‎1952 : Troppo.

L’année 1952 commence à voir apparaître des bouts de souvenirs moins reconstruits que les ‎précédents, de vrais bouts gravés dans ma tête ; c’est l’année de la grande école où j’étais entré pendant l’épisode 1951, juste pour ‎parler. Je me souviens fort bien de cette école à hauts murs et portail en ferraille ‎vrombissante, qui se fermait derrière moi toujours en horaire limite, avec des harmoniques de ‎plus en plus graves à faire tressauter les boyaux.‎

J’y ai vécu cinq années d’école primaire, et mes souvenirs se sont assez empilés de classe en ‎classe pour ne plus s’échapper. Cette grande école est inscrite dans ma tablette échevelée, et seul Alzheimer saura venir l’y ‎effacer, alors qu’il n’aura aucune prise sur l’école maternelle, ce qui s’appelle rien, déjà évanouie ‎dans le brouillard définitif. Il m’est arrivé de chercher plus tard ma petite sœur à cette école les soirs d’emploi ‎du temps chargé de mes parents, mais mon regard ne dépassait pas la grille en bas de l’escalier, d'où je ne voyais ‎rien de ce passé où je fus.‎

Il me faut encore un détail qui me revient de 1951 pour terminer le tableau, la touche finale, la fin de l'envoi. Tu te souviens de la rentrée d’octobre 1951 qui me vit dans le ‎monde des grands, et qui à cette occasion m'entendit parler. Peu avant cette rentrée vint ‎mon second frère au monde. Trop petit pour devenir concurrent et trop agité pour ne pas être une attraction ‎permanente. Troppo agitato. Mon frère Troppo.‎

Ma soudaine parole n’est pas étrangère à cette naissance diront les fins limiers, et pourquoi pas ?‎