Tout d'un coup, ma vie de petite fille de quatre ans s'accélère : je suis guérie, on me libère de ma gangue, je marche ! Dans la foulée, je vais à l'école et ma mère trouve du travail.

Mes souvenirs deviennent plus nombreux et précis.

Si je ne me souviens pas de mes premiers pas de fille désormais normale, bien qu'un peu boîteuse et pas très rassurée de mettre un pied devant l'autre, je me souviens de mon arrivée à l'école maternelle. Le premier jour, je reste accrochée au tablier de la maîtresse, sans piper mot. Mais très vite, je vais jouer avec les autres dans la cour gigantesque. Les garçons courent, se battent. Ils sont effrayants et fascinants.
Je garde un souvenir ébahi des toilettes (nous n'en avons pas à la maison) et du coin avec les poupées et les jeux.
L'école, qui vient d'être construite, est le plus beau bâtiment que je connaisse avec ses grandes fenêtres lumineuses et son carrelage noir et blanc.
Les maîtresses sont jolies et sentent bon.

Ma mère entre à l'usine. Elle travaille une semaine de 5heures à 13 heures et l'autre, de 13h à 21heures, y compris le samedi.
Nous dormons dans la même chambre. Un matin, je me réveille, elle n'est plus là. Je l'appelle, mais personne ne répond. Je me dresse dans mon lit, je hurle.
Où est passée maman ?
J'ai peur.

Du coup, c'est ma grand-mère qui me garde entre le moment où l'école se termine et où mon papy revient du chantier. Nous attendons ensuite que maman rentre. Je joue avec mes découpages. Papy prépare le repas
L'année prochaine, il aura 65 ans et pourra prendre sa retraite. Il me consacrera alors le plus clair de son temps et ma vie deviendra douce et passionnante.