Une voix très tendre égrène, fredonne,  chantonne presque :
Grabigrabigrou — Grabigrabigru — Grabigrabougri — Grabrigrabigron
rheuuuuuufheuuuuffffff
Oh !!!! tu entends Françoise ?
Grabigrabigrou — Grabigrabigru — Grabigrabougri — Grabrigrabigron
rheuuheuuuuffffff
Oh ! Ma fée des bulles — Grabigrabigrou — Grabigrabigru — Grabigrabougri — Grabrigrabigron
Tu entends mon Lilipotame : Grabigrabigrou — Grabigrabigru — Grabigrabougri — Grabrigrabigron
D'un ton plus sévère : RRHEUFFFF!!!
Elles ont peut-être envie d'un gâteau mes cocottes ?
OUINNNNN — OUINNNNNN !!!!

Éclat de rire cristallin : Oui  ! Maintenant elles ont très envie d'un gâteau !
Tu vas leur chercher un gâteau ?
OUINNNNN !!!— OUINNNNNN !!!!
OUINNNNN !!!— OUINNNNNN !!!!

Une voix au loin : Ne miaulez pas mes petits chats ! J'arrive avec les biscuits !
- Tiens ma chérie.
- Tiens mon amour.
Les pleurs cessent et l'on entend un voix très tendre qui égrène, qui fredonne qui chantonne presque :
Grabigrabigrou — Grabigrabigru — Grabigrabougri — Grabrigrabigron
Grabigrabigrou — Grabigrabigru — Grabigrabougri — Grabrigrabigron

Cet enregistrement sonore se trouve quelque part. Je ne sais où précisément mais sur une bande magnétique dans l'immense grenier de la demeure.
J'espère le retrouver un jour. Je le cherche chaque jour. Quand je l'aurais trouvé, alors je le numériserais et on on pleurera encore une fois, Philomène et moi. On pleurera en entendant la voix de ce papa qui ne nous appelait jamais par notre prénom sans y ajouter un "ma chérie", un "mon petit chat", un "mon amour", un mot tendre, un mot drôle, un mot compliqué, un mot qui sonnait bien, un mot qui tombait juste.
Il avait toujours un mot pour nous. Rien que pour nous.
Des mots si riches, si divers, si surprenants qu'on les a oublié.
Il y en avait tellement...
Il ne nous disait pas "je t'aime", il le clamait de tout son vocabulaire.

Nous avions un peu plus d'un an.
Je ne savais pas encore que la vie me réserverait un joli lot d'emmerdement.
Il avait 38 ans, deux enfants déjà grands et puis il avait ses jumelles qu'il couvait de mots doux, des mots qu'il n'avait jamais su prononcer auparavant.
J'avais un peu plus d'un an et je ne savais pas encore que la vie me réserverait un joli lot d'emmerdement. Il était pourtant parfaitement évident que des quatre enfants, il ne pouvait y avoir que deux clans. Le clan de celles fortes de l'absolue certitude d'avoir été aimées de papa. Le clan de ceux qui ont assistés impuissants ou presque au débordement d'amour de ce père pour celles-là même qu'il appelait ses pataloustics...