2004 Je suis stagiaire et je retourne sur les bancs de l’école à 30 ans passés. Ca fait un peu bizarre de se retrouver à l’IUFM avec des « petits jeunes » qui ont passé le concours directement après leur licence. Comment peut-on vouloir être prof si jeune je me demande alors. Je suis frappée par l’arrogance de ces jeunes profs (hommes) et leurs combats de coqs devant nos formatrices. Je ne suis pas la seule, les autres femmes aussi apparemment. C’est une promotion bizarre que celle-ci. Les profs femmes se retrouvent à la cafétéria à manger les salades qu’elles ont-elles-mêmes concoctées tandis que les jeunes hommes vont à la cantine, en se retournant ostensiblement devant les jeunes étudiantes de 1ère année croisées. Je n’avais jamais vu ça au cours de mes études. Ai-je tant vieilli ? Y a-t-il une si forte différence générationnelle ? Je vais me dire, pour finir l’année dans le calme, que c’est une coïncidence, que les jeunes gens se lâchent après une année de privations due à la préparation du concours.



Cette année-là, je me rapproche aussi des syndicats. C’est la première fois de ma vie que je vais faire un métier où les syndicats sont si visibles et présents. Je rencontre des gens ouverts et ma foi sympathiques. Beaucoup se sont réfugiés dans l’action au jour le jour : défense des élèves sans papiers, droit au logement, etc.. On bricole. C’est que c’est dur ces grèves d’une journée à intervalles réguliers. On se sent tellement impuissants. Alors on marche au cours des manifestations, les premières sont drôles, les autres ont un goût amer. J’ai l’impression d’entrer dans une institution en pleine décadence.

Le lycée professionnel où je suis nommée pour « parfaire » ma formation sur le terrain se charge de confirmer mon impression. Je suis abasourdie : pense-t-on raisonnablement former des profs comme ça ? En les balançant d’abord dans l’arène, puis en venant dire « ah bah non, ce n’est pas comme ça qu’il faudrait faire ». Heureusement, j’ai déjà enseigné avant, et ai eu le temps de me faire un peu les dents. A l’IUFM, l’idée essentielle que nous retenons est : il n’y a pas vraiment de méthode d’enseignement, on apprend sur le tas, et chacun procède différemment (entendez comme il peut). Pourtant, il me semblait bien qu’il existe des techniques d’animation de groupe, et que l’on pourrait au moins réfléchir sur les processus cognitifs. Bah non rien de tout ça. Je suis entrée dans une institution dépassée. J’ai un peu peur d’y rester et d’être incapable de rebondir, ramollie par le train train du fonctionnariat et la fatigue des classes surchargées.