C'est dans cette maison construite par mon grand-père, que nous figurons sur nos premières photos d'enfants, mon frère et moi. C'est aussi là que s'est bâtie l'entité "mon-frère-et-moi", dans cette chambre commune, ce mobilier transmis par nos parents : un grand lit où nous dormons ensemble. Je ne sais pas m'endormir le soir sans tenir sa petite main. Lui n'a pas toujours envie de me la confier, il m'arrive de le supplier ; il cède toujours. Je l'aime beaucoup.

Il arrive que mes nuits s'agitent. Nous dormons lorsque rentre mon père, et je suis souvent réveillée par les cris de mes parents. Leurs disputes me terrifient, me tétanisent dans mon lit. Mon imagination d'enfant interprète tous ces fracas d'objets ; ici Maman a dû se cogner, c'est sûr ; quel est le vase qui est tombé ? ; mais l'aspirateur doit être cassé maintenant !?
Leurs rancoeurs ne rencontraient que des objets, fort heureusement.
Ils ne s'inquiétèrent jamais de savoir si nous les entendions, et ne surent donc pas quel témoin nocturne je constituais. Les scènes étaient bien trop effrayantes pour que je me risque à les évoquer...