1990.

L'âge des tout premiers souvenirs. Pour une fois, c'est moi qui raconte.

Je ressors des bouts de moments, vieillis, un peu ternis, mâchés et remâchés, mais toujours aussi encrés dans tout mon être.

J'ai deux ans. Je suis une grande fille.

Je fais des phrases complexes, et oui m'ssieurs dames, sujet verbe complément, et je manie allégrément tout les temps.

Je parle, je chante. Et je vacile plus que je marche.

Je m'occupe bien de mon petit frère. J'ai compris que c'était moi l'aînée. Je le vois dans les yeux de mes parents.

Avec mon p'tit bout de frangin, on s'fait des câlins. Je grimpe dans son lit, on mêle nos pouces et nos cheveux, puis on se rendort sous la couette bleue de rêve.

J'ai presque deux ans. Je vais à la maternité avec papa, maman et mamie. Ma petite cousine est née.

On acheté un doudou. Je l'adore. C'est moi qui l'ai choisis.

J'ai cette image là, ce parfum d'hôpital et cette image du tout petit bébé dans un lit transparent.

Je sais mes yeux ronds comme des billes, ma tendresse pour cette minuscule cousine, mon palmier sur la tête qui s'agite gaiement.

Je l'aime déjà ce bébé.

Mathilde.

Celle qui deviendra ma fragine, ma pareille, mon cercle isocèle, ma parallèle décalée.

Je le savais déjà. Je la suppliais de grandir vite, trépignant pour que nos années se rejoingnent et que nos genoux s'écorchent sur le même vélo, pour qu'on dévale l'existence côte-à-côte, qu'on édifie des musées insolites, qu'on peinturlure nos cabanes, qu'on s'aime quoi!

1990. Nous v'là tous les quatre. Les cousins.

Nous les zozos, nous le boys band.

Deux gars, deux filles. Pour la parité, et pour faire mieux. Alex, Audrey, Clem', Mathilde.

1990. On lance le groupe.

Et ça fera un carton.