L'atelier que je louais est devenu gratuit au changement de propriètaire, je retrouve les conditions idéales du squatt, mes finances s'en portent mieux même si mon statut devient plus précaire. Les choses changent trés vite , les travaux réduisent mon espace et bientôt me mettent dans une position subalterne que je subis avec légèreté au début. La personne qui m'accueillera dans son espace, a des aspirations de gourou. Il veut créer un mouvement autour de ses théories sur l'art. Il a adopté un système et essaie d'y inclure les autres.
A cette époque je constate que son univers bleu et orange entre dans ma peinture mais rien n'en sort de trés constructif. Il m'impose de ranger mon matériel aprés chaque scéance, certaines plages horaires sont inaccessibles pour moi, je fais avec .
La rupture se fait réellement le jour où je demande à une de nos amie commune de mixer sur une de mes vidéos. Cela fait plusieurs mois qu'il lui met la pression pour qu'elle se lance dans ce genre d'entreprise avec lui, sans aucun résultat car elle résiste. Avec moi, elle se lance avec entrain et le résultat est plus que probant. La jalousie est un sentiment désagréable, elle se transforme en rancoeur.
Pour me dégager de cette influence néfaste pour ma création et ma santé mentale, je réintègre ma partie d'atelier en poussant les gravats et réammenageant au mieux. Le squatt est une bonne école, je m'installe un coin agréable. Je reprends goût à ce que je fais, ses couleurs dominantes s'estompent, je revis. Pourtant la situation empire mon univers pourtant discret lui devient insupportable à traverser, je suis sur le passage pour acceder à son grand atelier. N'ayant pas réussi à me digérer je deviens semble t il une excroissance génante.
La parole déserte l'atelier. Je suis obligée de provoquer les discussions, lui ne communique que par signes, arrache une cage, retourne systematiquement mon tapis pour ne pas marcher dessus. J'ai l'impression d'avoir affaire à un adolescent révolté qui chie dans une classe pour dire que ça l'emmerde. C'est fatigant, mais en réfléchissant je décide qu'il n'est pas dans mon intéret de céder à la pression. Je travaille moins mais je travaille.
En même temps je sens une grande souffrance chez lui, il semble en pleine crise de mégalomanie, il se dispute avec d'autres de ses amis et s'enferme dans son système. Impossible de communiquer, tous s'inquiètent mais il est sourd aux remarques.
6 mois se passeront avant que le propriètaire me signifie que vu l'incompatibilité manifeste, il est désolé mais il me faut retirer mes affaires. Lui n'a jamais été capable de formuler ce qui n'allait pas.

J'ai tiré profit de cette expérience, j'ai mis à l'épreuve ma résistance à la pression, j'ai découvert ma capacité à estimer ce qui est de mon intéret et j'ai appris à limiter la prise en compte des velléités d'autrui : celui qui ne formule pas verbalement ses demandes se déresponsabilise. Je refuse de prendre à ma charge des décisions qui vont à l'encontre de ce que je veux.