Mai,
Le joli mois de mai…
Voilà l’heure pour moi de rentrer en scène !
Oui mais voilà, je ne suis pas pressé. Déjà timide. Le brouhaha que j’entends à l’extérieur me fait peur. Comment vais-je oser venir au monde au milieu de tous ces gens ?

Deux jours déjà…
Une voix dure et autoritaire menace d’utiliser la force, une lame, le froid, le choc…
Maman me demande doucement de l’aider un peu, de faire ma part du chemin. Je n’ai aucune raison d’avoir peur, elle sera là. Comme toujours…
Et c’est ainsi qu’au milieu de la nuit, je m’en vais à sa rencontre…
Si j’avais su !

On impose à ma mère de se reposer le reste de la nuit…loin de moi. Qu’ai je donc fait pour mériter cela ? Rien, juste les mœurs de l’époque. Il y a des jours comme cela où il ne faut pas chercher à comprendre. Mais dès le premier jour, quand même…

Le lendemain, à l’heure de la distribution des bébés…
Seule dans sa chambre à m’attendre, elle reconnaît mon cri au fond du couloir. En me déposant près d'elle, la sage femme lui dit sur le ton de la désapprobation « elle a hurlé toute la nuit ! ».
Pas pleuré, non…hurlé.
Colérique, déjà…

Au cours de ces deux longs jours mon père était là.
Plus tard, on lui demanda comment cela c’était passé. Lui, toujours aussi pudique et pragmatique, répondra « Oh ! C’était comme pour les agneaux ».
On ne refait pas un berger en pleine période d’agnelage !


Juin,
Dans un landeau sous un arbre, je contemple le bruisement du vent dans les feuilles. La chienne de mon père, "madame", refuse d'aller garder le troupeau depuis mon retour de la maternité. Elle passe ses journées près de moi, et grogne a la moindre intrusion. La boulangère passant par là doit encore s'en souvenir...

Il faut dire que maman est très affairée; d'ici quelques jours, nous partons pour l'estive.

J'ai hate d'aller retrouver ces grands espaces, le vent, l'immensité, l'absolue...

J'ai hate de découvrir de mes propres yeux le monde qui m'entoure...