‎1950 – Histoire d’eaux.‎

Je n’ai pas de souvenir précis de 1950. Je vais y caser une histoire qui m’est arrivée, je m’en souvenais ‎encore lorsqu’elle me fut racontée par ma sœur qui n’était pas née alors, sous une autre version bien ‎sûr ; elle la tenait de mes parents et, curieusement, l’avait retenue mille ans plus tard ce qui m’avait ‎plu. Seuls la logique et le repérage me permettent de la placer en 1950, ni avant ni après.‎

En réalité, il s’agit de deux histoires, arrivées probablement deux années successives, 1950 et 1951, ‎mais je vous les regroupe en une seule, ne serait-ce que pour ne pas ressembler à un récidiviste, notre ‎époque n’est pas tendre pour les récidivistes endurcis ; un récidiviste, vous le savez, est toujours ‎endurci.‎

En pleine saison estivale, je me suis perdu dans les rues de Lacanau, ou plutôt dans les dunes par là-‎bas le long de la route du Lion. Qui connaît Lacanau connaît la route du Lion. Un accès vite fait mal ‎fait par les allemands pour ravitailler vite et bien les canons de la côte au sud, pointés vers l’Amérique‎. Un ruban de béton ‎orné de ses joints disjoints, qui disparaissait derrière la dernière dune au-delà de laquelle je n’ai jamais ‎marché, et qui finissait en impasse au lieudit le Lion, lieu aussi mystérieux pour moi que le temple du ‎Soleil ou le bazar de Trébizonde encore aujourd’hui.‎

J’avais élu domicile dans un des blockhaus qui firent le charme de la côte landaise, afin de méditer sur ‎mes lacets de chaussures disparus dans le sable de la plage mais beaucoup plus rigolos à chercher dans ‎le béton un peu basculé. D’être seul dans cet endroit frais et blafard ne m’effrayait pas, D’être seul dans cet endroit frais et blafard ne m’effrayait pas, je ne me souviens même pas de l’odeur ‎et pourtant.‎ Ma seule peur était de ne pas retrouver ces lacets facétieux et de traîner des chaussures qui ne ‎tenaient plus à mes pieds.‎

C’est intéressant, n’est-il pas ?‎

Lacanau. Inspiration. Mes parents plus mobiles que quiconque à l’époque avaient, chaque année et ce ‎depuis leur vie commune jusqu’à ce que la mort les réunisse, quatre points de chute chaque été : le ‎Périgord, mon Périgord à moi du temps où il n’avait que deux couleurs le noir et le blanc signe de bon ‎goût le pourpre et le vert sont venus plus tard avec les touristes ; les Pyrénées, les Pyrénées de mon ‎papa mais vous le savez y compris l’ours ; la ferme de Poitou, vous connaissez aussi mon Poitou ‎paysan que jamais mon amour de la grande ville ne m’a fait oublier ma Rivière y est née ; et un autre ‎‎lieu choisi selon leur humeur pour durer quelques années avant de partir pour de nouvelles aventures. ‎‎Expiration.‎

Au début des années cinquante, ils avaient choisi Lacanau-Océan. Lacanau-Ville ne m’avait aucun ‎charme, j’aimais l’eau de mer et non l’eau douce, et l’étang de Lacanau avait un goût de vase qui ‎m’insupportait, et encore aujourd’hui quand ce n’est pas la vase c’est la javel, avec l’eau douce.‎