Pour cette première année de ma vie je dois encore faire appel aux souvenirs de substitution. De la naissance de mon petit frère je ne conserve aucune trace consciente. Il faut dire que mes parents n'avaient pas traîné: je n'avais pas six mois que le second était déjà en route ! Certes il n'était pas prévu si tôt et les conseils du bon Docteur Ogino montraient là leur limite...

Quoi dire ? Que peut-il se passer dans la tête d'un bébé de quinze mois le jour où il se rend compte (?) qu'un autre est arrivé dans son environnement ? Un autre qui pleure, qui mange, qui demande de l'attention, du temps. Un autre qui est dans les bras d'une mère devenue commune et à partager. Des mécanismes particuliers se mettent-ils en place chez un aîné qui, de roi, devient soudainement un parmi deux ? Quand j'ai vu les réactions de mon fils aîné lors de la naissance de sa petite soeur je me suis dit qu'un tel partage n'était certainement pas évident à accepter...

Dois-je voir dans cet évènement précoce l'empreinte certaine d'une crainte de manquer ? Ai-je redouté à ce moment-là d'être dépossédé de l'amour qu'on me portait ? En ai-je acquis certains réflexes d'agrippement ? Ma mémoire en garde très probablement les traces, mais mes souvenirs ne pourront jamais remonter aussi loin. Les explications demeureront inaccessibles.