Je n’ai jamais été bon en ricochets. Je me souviens de quelques tentatives pitoyables au bord de rivière. Le joli caillou plat que d’autres auraient fait rebondir trois, quatre fois c’était pour moi l’exploit de la faire jaillir ne serait-ce qu’une fois à la surface de l’eau.

Mais sur d’autres ricochets peut-être que je serais meilleur. Finalement après des intermittences d’envie je crois que je vais tenter d’en faire quelques uns, suite à l’initiative de la chère Anna Fédorovna K (que j’aime à voir ainsi se nimber « d’âme slave » et d’une aura de princesse russe).

A.F.K. propose de choisir pour construire nos évocations soit un chemin montant de 19XX à 2006, soit descendant de 2006 à 19XX. Je n’ai pas envie du courant descendant, je me sens trop dans mes années récentes pour partir d’elles pour cette nouvelle écriture, j’écris déjà d’ailleurs beaucoup sur elles, trop peut-être, dans ce que je mets en ligne depuis quatre ans maintenant. Le courant ascendant du passé vers aujourd'hui m’irait mieux. Cela dit si je voulais faire ça de façon rigoureuse il me faudrait courir pour rattraper nos dames organisatrices qui éclosent à l’aube des années 60, car j’aurais pour ma part un petit paquet d’années à évoquer déjà dans la décennie précédente. La contrainte de plus me paraît un peu forte. Comment d’emblée trouver quelquechose sur chaque année sans artificialité ? Ecrire la continuité du temps ne me plait pas trop, je préfère que mon écriture me donne au contraire la possibilité de sauter d’un temps de ma vie à un autre, selon l’envie. J’aimerais bien au final parvenir à remplir toutes les années, mais chacune viendra à son moment si elle doit venir, là où mes propres cailloux ou ceux des autres par associations d’idées, pas associations de souvenirs me conduiront.

Car je voudrais en effet jouer le jeu des ricochets. Avec l’espoir que ce que j’aurais lu ici ou là, un récit, une ambiance, une image, feront écho et déclencheront en moi un souvenir, en ramèneront même certains du fond de l’oubli. Je tenterais alors de le replacer dans son année si celle-ci me revient de façon précise ou en tout cas dans une année vraisemblable.

Je n’ai pas du tout envie de tenter à travers ça une forme d’autobiographie systématique à quoi sans doute risquerait de m’entraîner un parcours trop strict des années 19XX à 2006. Ce sont plus des images que je voudrais faire remonter. Des sensations. Des traces. Des pièces de puzzle. Qui s’assembleront ensuite comme elles pourront dans l’organisation temporelle.

Donc ce sera le parcours 19XX à 2006 mais comme un axe non contraignant, plus pour la présentation finale que pour la production elle-même qui viendra comme elle viendra, suivant la fantaisie, suivant les ricochets.

C’est drôle parce que lorsqu’il y a une dizaine d’années je m’étais lancé dans un travail d’écriture autobiographique sur mon enfance et ma jeunesse, sur mon temps d’avant couple stable/concours de fonctionnaire/enfants, j’avais procédé un peu de la même façon. J’avais écrit des fragments à partir d’images, de bribes de souvenirs concrets et ce n’est qu’à posteriori que j’en avais ordonné les séquences, rajoutant éventuellement ici ou là, tel complément, tel ou tel liant mais sans jamais viser à aboutir à un récit continu et cohérent. J’avais appelé ça « Traces », sous-titré « Fragments autobiographiques » (ça dort toujours dans mes placards, ça fait lurette que j’ai le projet de déposer ces cent vingt pages à l’APA, je ne l’ai toujours pas fait, retenu par je ne sais quoi).

Mais à l’époque j’avais procédé dans mon coin, sans aucun stimulant extérieur, avec une visée d’élucidation de certaines choses de mon passé, les ricochets se faisaient en interne, de séquence en séquence, l’une donnant l’idée d’une autre. Ça m’amuse de recommencer dans ce contexte différent, en ricochant cette fois à partir des autres. Mais peut-être y aura-t-il des textes anciens que je recyclerai. Enfin pas tels quels, je les réécrirai ou les réinterpréterai avec les lunettes d’aujourd'hui. Et pourrait alors surgir d’autres ricochets entre le temps du vécu, le temps de la première écriture, le temps d’aujourd'hui. C’est assez passionnant ça.

Allez je vais essayer. En espèrant que mon envie ne va pas se rétracter complètement sous le poids des contraintes extérieures, de ma lenteur d’écriture, de ma flemme ou plus profondément d’un sentiment d’inutilité à brasser tout ça une fois de plus. Enfin nous verrons…