Je rends grâce à mes parents d’avoir su, à temps, tout débutants qu’ils étaient dans l’éducation et ‎ignorants de toutes ces choses que l’on a abondamment répandu plus tard, les Dolto Cyrulnik pour ‎n’en citer que deux, construire un barrage contre le Pacifique de ce Tsunami, et nous en révéler ‎doucement l’existence au fil des années. Il faut bien aussi que les enfants apprennent et qu’ils vivent ‎avec.‎

D’avoir su nous protéger ainsi est ce qui doit en rester, de l’histoire. Je sais d’où vient ma capacité à ‎échapper à l’horreur d’une nouvelle tragique et imprévue, comment la laisser passer dehors avant de la ‎laisser entrer tout doucement par le nez afin d’en découper les lames coupantes au fur et à mesure ‎qu’elles se présentent, et je sais d’où vient ma capacité à prévoir le pire afin d’y être préparé quand il ‎arrive et d’être heureux comme un pape quand il n’arrive pas.‎

On dit de moi que je suis un pessimiste et que je pars battu d’avance. Que je suis un gâche plaisir. Un ‎rabat-joie. Bien au contraire, l’avance c’est moi qui l’ai prise, et rien ne pourra me défaire, réussite ni ‎échec. Et je le dois à cette terrifiante aventure dont mes parents ont reçu le choc de plein fouet, mon ‎père surtout, mais Verbehaud eut aussi sa part dans l’affaire. Ce n’est pas tant de m’avoir donné la vie ‎que je leur suis reconnaissant que de ce geste réussi de protection fondatrice.‎

Nous sommes en 1949, n’oublions pas, l’épisode précédent est clos.‎

Je vais vous raconter le grand incendie. Il s’agir du vrai plus ancien souvenir que j’ai. Enfin, le vrai ‎d’aujourd’hui. Je peux tenter de battre mon propre record mais nous savons bien que l’effort personnel ‎ne peut venir à bout de ce défi, et que seul le hasard fait sortir l’indicible. Il existe là, mais il ne sortira ‎que s’il veut, non mais sans blague.‎

Mon père est un amoureux des Pyrénées. Il y passe toutes ses vacances depuis mathusalem, et ce n’est ‎guère qu’à partir du dernier semestre de la guerre civile espagnole qu’il a cessé de les traverser. Son ‎truc consistait à la traverser aller-retour à vélo, en passant par un col et revenant par un autre. Après ‎quoi, il refaisait le chemin à pied, pour retrouver la petite vallée là qui lui avait plu et que la folle ‎vitesse de sa machine avait empêché de voir à son rythme. Les vélos d’alors pesaient 25 kilos à vide ‎avec 6 vitesses, et le sac à dos presque autant, mais plein.‎

à suivre.