Année ressource... et canalisation, année exploits et repos, année tissage et métissage (mais pas toujours très sage !), année partage, année cocon, année convalescence.

J'ai avancé, forgé ma forge de forgeronnette, tissé, retaillé, cintré ma blouse de jeune bleue, à coup d'encres et de textes, encre bleue, encre noire, encre rouge, textes à inventer, textes à étudier, textes à corriger ; et des heures passées à ravauder mes trous de blues, à ne pas fuir la classe où on m'attend, où on attend la prof. Heure après heure, redresser peu à peu la stature de ma fonction, et y trouver appui, comme en une structure, une ossature.

J'ai redressé la tête hors d'un dernier trou noir où je ne veux plus sombrer. Quelques personnes, quelques marques de confiance, quelques réussites, ont tapissé mon nid dénudé d'une mince mais douce foi en moi, faite de plumes et de brindilles, d'acceptation et de sourires.

J'ai donné de grands coups de ciseaux dans les excès de mon verbiage dévasté, j'ai progressé dans le sage art de se taire, et l'impulsive sagittaire que je suis a moins sauvagement bandé son arc, patiemment retenu quelques flèches...

J'ai assisté, heureuse, émue, et fière, à deux mariages. L'un, impromptu et léger, à six, avec champagne à minuit sur le quai d'une gare. Elle, témoin, lui redira ce qu'Il lui avait dit : J'ai toujours rêvé d'assister à ton mariage... d'un côté ou de l'autre ! L'autre, festif et chaleureux, avec parmi trente fois plus de convives, onze témoins fidèles, vraiment presque tous là : retrouvailles et bonheur d'être ensemble. Elle, ravie que Lui, qui détestait tant les mariages, ait si merveilleusement réussi le sien !

Petite remarque algébrique, aglaïcentrée assurément mais assez amusante : le nombre d'invités était en fait proportionnel au temps partagé avec chacun de ces deux merveilleux mariés : mes deux meilleurs amis, mes deux plus proches, et surtout, surtout, mes deux amours d'avant...

J'ai voyagé, de corps et de coeur, deviné des amis, déchiffré un pays, et me suis vue vibrer de contrées en rencontres. J'ai accompli le grand saut dans le reste du monde, à tout petits pas de mes tout petits pieds. La terre rouge, le rythme des trois thés, l'Afrique étrange, vive et crue. Je suis rentrée pleine et vidée, enrichie autant qu'épuisée. Et je repartirai.

Et finalement l'une de mes flèches, aidée sans doute d'un archer mieux ailé, a atteint un but, inespéré.

Dans ses yeux je voyais l'inflexible miroir de ma volonté - grandir, oui, grandir pour devenir adulte et m'en montrer digne. Et au coeur de l'année, alors que je n'osais pas - encore - y repenser - grandir et devenir plus forte, plus femme, plus la même, être un jour prête pour... - cette motivation secrète a rencontré, dans un de ses gestes, une douceur, une émotion inattendues... et le désir et le plaisir ont fait le reste.

Depuis le temps s'écoule au rythme subtil de nos saisons revisitées, été secret, coeurs incrédules, sieste étoilée, heures émerveillées, automne de bourrasques, longues journées de pluie, éclaircies chatoyantes, soirées parées de teintes dorées et profondes, hiver au coin du feu, blottis douillettement dans la chaleur de nos tendresses. Pour le printemps qui vient reste l'espoir...