Je voulais « rebondir sur le garçon manqué » de Kozlika. J’ai l’impression qu’on pourrait dire que je l’ai toujours été. Je ne pense pas qu’il s’agisse dans mon cas d’un déficit du regard du père. C’était probablement dû en partie à l’arrivée des années 70 et à notre mode de vie un peu baba-cool où l’on n’accorde pas d’importance à l’apparence, mais je crois que c’est aussi tout simplement mon caractère.

J’ai supporté un poupon (qui devait représenter mon petit frère), mais je ne voyais pas quel plaisir on pouvait prendre à jouer à la poupée. Quand on m’en a offert une, je l’ai regardée comme un objet complètement inutile. Dans mon souhait de satisfaire tout le monde, j’ai demandé : « Tu crois que ça ferait de la peine à Mamie si je la donnais à ma cousine ? » Par contre, j’ai toujours les petites voitures qui m’ont accompagnée des journées entières et parfois même la nuit dans mon lit. A 2 ans à peine, je connaissais les marques de toutes celles qu’on croisait dans la rue.

Mon surnom familial c’était Calamity Jane !  Garçoïde. J’ai gardé une attirance pour l’androgynie. J’aimais creuser indéfiniment des cachettes dans mes pistolets en bois taillés dans une branche de tilleul, trouver les meilleurs élastiques pour lancer mes projectiles. Côté vêtements, ça a été simple aussi : vers 5 ou 6 ans, j’ai expliqué qu’il n’était plus question que je porte des robes ou des jupes. Il faut dire que pour grimper aux arbres et jouer à James West, ce n’est pas le plus pratique ! Dans les dix dernières années je n’ai pas du porter de jupe plus de 5 fois, et vraiment pour des occasions particulières. Ce sont d’ailleurs toujours les fringues de mec qui me plaisent le plus. C’est pareil pour les montres, la coiffure, les conversations…

J’ai horreur des chichis, des minauderies, oui, je suis un peu misogyne. Cela me fait penser que la principale raison pour laquelle je n’aurais finalement pas aimé être un garçon, c’est que j’aurais alors été amenée à partager ma vie de couple avec des filles et que je les trouve parfois un peu manipulatrices et surtout très compliquées !

1960. Mes parents avaient 18 et 21 ans. Parisiens tous les deux, je ne sais pas s’ils se connaissaient déjà mais c’est probable. Alchimie intéressante de la rencontre entre la jeune fille obéissante d’une famille aisée et le fils unique aux 400 coups. La vie se passe entre les études, les copains et le ciné qu’on paye en Francs nouveaux, sur fond de prise de position des intellectuels dans le « Manifeste des 121 » (refus de prendre les armes contre le peuple algérien). Je pense que c’était une époque assez heureuse, dense en événements de toute sorte. Une vie culturelle foisonnante et inventive, souvent expérimentale. Mon propos n’est pas de faire une chronique de l’année, mais d’évoquer des sujets dont j’ai souvent entendu parler. J’ai toujours eu une fascination pour les sixties. Pas seulement parce que c’étaient les années de jeunesse de mes parents, mais parce que j’y ai senti une liberté de pensée, de créativité, un grand espace pour innover.

1960, c’est les Beatles, Elvis Presley, Paul Anka, les Everly Brothers, Buddy Holly, les Platters, les Shadows, Roy Orbison, Eddie Cochran, Bill Haley... et de nombreux autres artistes encore très connus (soupirs).