Dans une semaine, je passe les oraux du concours.

Une année que j'y pense, que ma vie tourne autour de ces deux jours où je devrai soutenir les regards et les questions d'un jury qui décidera si oui ou non je suis capable d'exercer le métier que j'ai choisi. Une année où j'ai travaillé souvent bêtement, souvent scolairement, la tête dans le guidon, des dates et des théories par coeur, vingt par pages résumées en trois lignes, quinze pages en tout, et rebelote le lendemain. De la méthode, de l'entraînement, la tête pleine à craquer, les loisirs en pointillés, et de temps en temps la rupture et des jours sans me rendre en cours, à culpabiliser sans pouvoir ni travailler ni penser à autre chose.

Les vraies brèches trop rares et desquelles j'attends peut-être trop pour qu'elles puissent tenir leurs promesses, quelques terrasses entre copines, les soirées en amoureux, les ballades dans une ville que j'habite sans connaître et que je ne découvrirai qu'après l'avoir quittée.

Je n'apprends pas, je me remplis de connaissances, je cherche à valider un contrat. Rien de ce que j'ingurgite ne me transforme, galimatia indigeste de ce qu'il faut savoir pour prétendre au titre.

Une année où je n'ai rien laissé entrer dans ma vie, ni personne. Mes camarades de galère ne sont pas mes concurrents, mais les connaître demanderait du temps, et de l'énergie.

Bête à concours - le double sens y est.

Et puis, à une semaine des oraux, quelque chose se passe. Mon esprit tout d'un coup s'affute et se libère, et ces concepts que je manipule depuis des mois deviennent soudain lumineux, chacun remarquable dans sa fine compréhension du monde. Je me sens changée, et pour la première fois depuis trop longtemps, éveillée. Intelligente de tout ce que je sais, et consciente de tout ce que j'ai à relier encore.

A une semaine des oraux, un miracle très ordinaire s'est produit, et c'est moi, et non un clone de candidat idéal, qui vais défendre mon envie de faire ce métier.