Un brouillard m'enveloppe. Celui, bien réel, de Brest où je passe la majeure partie de l'année, de Strasbourg où je m'égare quelques jours, du Danemark où je m'ennuie pendant quatre mois oppressants, quatre mois de neige, de pluie, de froid et de désespoir. Celui, irréel et d'autant plus insupportable, dans lequel une fatigue cotonneuse me fait errer de jour en jour, poussée et tirée par les suggestions des uns, les avis des autres et les événements.

Au fond, je me déteste. Que je plaise à d'autres n'y change rien. Je souffre du syndrôme de l'imposteur jusque dans mes relations personnelles. Les bons résultats que je récolte à mes examens ne m'empêchent pas d'être très insatisfaite de mon travail. Je dors trop ou trop peu, mal en tout cas. Mon alimentation est déplorable. Je traite mon corps avec un mépris que je suis incapable de réserver à d'autres. Quand au reste, je me noie dans les contradictions et une auto-humiliation nimbée de rares sursauts de fierté ; je crois que j'attends vaguement de mourir.

N'y comprenant rien, le premier amour qui dure me tire vers le bas en espérant me pousser vers le haut ; il ne réalise pas que ma force est différente de la sienne et qu'il me mine avec mes propres faiblesses.

Quelques lumières, malgré tout, me permettent de me savoir encore vivante : la beauté de l'île de Mön, la lecture avide de Gabriel García Márquez ou Marguerite Duras, la Sicile où, seule avec mes parents, je me réconforte un peu à coups de lumière, de musées et de paysages époustouflants, quelques lettres ou retrouvailles émues, l'écriture, une pièce de théâtre enfin...