Alors que le mois de mars commence dans les frimas, je nais, dans la douleur et la violence d’un accouchement qui se présente mal.

Au terme de longues heures harassantes, ma mère finit par me mettre au monde. Plus tard, elle me dira :

« Ils m’ont dit que peut-être tu ne vivrais pas, alors j’ai pensé oh non, pas maintenant que j’ai fait tout ça, pas maintenant… Maintenant que tu étais née, je voulais que tu vives. »

Le lendemain mon père en rentrant du travail trouva sa femme en larmes. Une cauteleuse amie venait de lui annoncer ma naissance.

« Paula a eu une fille hier soir, il se dit que c’est la fille de Pierre »

Mon père salua mon arrivée en se mettant en colère : « Mais qui dit ça ? Qu’on vienne me le dire en face ! »

Les homme sont menteurs. Bien sûr que je suis la fille de Pierre.

Trois jours après, Louis se rendit à la mairie et me reconnut. Il me donna son nom et bien plus encore. Il me donna son amour, m’éleva, me consola quand j’étais triste, me fit manger, me lava les cheveux, m’apprit à lire l’heure…Il n’était ni le mari ni le compagnon de ma mère, il ne prétendait pas non plus être mon vrai père. Notre différence d’âge le transforma en Mon Papy et c’est ainsi que vous pouvez vous souvenir de lui.

Voilà comment ça a commencé.

Je nais dans la maternité de mon village, tout près de l’endroit où j’écris ces lignes. Je rejoins ensuite la maison où vivent ma mère, mon papy, la mère de ce dernier, Delphine, qui est alors une vieille dame à qui il ne reste que quelques années à vivre. Dans la maison à côté vit son frère Joseph, Le Tonton, revenu des Colonies et qui va bientôt mourir lui aussi. Nous avons deux chats, Spountnik et Bamboula.

Nous sommes couturière, maçon, serveuse au Café des Platanes.

C’est ma famille.