Cette année là fût riche comme le sont les années de transition. Je continuais de me reconstruire, j'ignorais que j'avais encore à le faire. J'ai toujours tellement oscillé entre "tuer mon passé", et "ne jamais rien oublier".

Cette année là, je fît des expériences nouvelles. J'étais entourée de garçons qui se conduisaient comme des grands frères, je découvrais ce plaisir de me sentir protégée. Moi qui n'avait vraiment connu que le monde des femmes, j'acceptais soudain l'amitié masculine, jusque dans les confidences. J'apprenais à ne plus en faire des ennemis, j'apprenais à laisser ma méfiance au vestiaire, découvrais un début de lâché prise.

Cette année là, je fît le deuil de ce frère mort avant que je ne vois le jour. Le deuil de ce qu'il a représenté de regret. Le deuil que possible, ma mère n'a jamais fait finalement. J'ai allumé une bougie pour lui que j'ai laissé bruler, je lui ai dit au revoir à ce nourrisson qui n'a pas eu sa place parmi nous mais qui nous a hanté pourtant.

Cette année là aussi, j'ai commencé à accepter l'idée que peut être, jamais je ne serais maman et qu'il me faudrait vivre quand même. J'errai donc à la recherche d'un autre sens que celui qui m'avait semblé jusque là si naturel. Moi qui gardais précieusement tous mes souvenirs pour les transmettre.
Une envie qui me pris si tôt que j'en ai oublié l'origine. Sans doute avais je senti que le temps qui passe déforme la vérité émotionnelle d'un instant. Sans doute avais je senti la capacité que mes parents avaient de se re-raconter l'histoire, pas de bol, les deux ne correspondaient pas. Entre la version coup de foudre de ma mère, la version du piège de mon père, un tel grand écart. Comment pouvais je savoir si j'étais une enfant de l'amour ou si j'étais une enfant de trop. Oui, mon désir d'enfant, (je veux dire mon désir d'être mère) fût certainement, d'abord, un besoin de réparation. Alors j'écrivais tout ce que je ressentais et je gardais tout, que le temps qui passe ne trahisse pas l'enfant que j'aurais.

Seulement voilà, cette année là, j'ai accepté qu'il était probable que d'enfants, je n'en aurais pas. Alors à quoi bon écrire, à quoi bon se souvenir, à quoi bon se connaitre, à quoi bon... Mais en 2004, je sortais de mon désespoir, j'entrais dans la recherche d'autre chose.

Cette année là, j'appris que ma vie pouvait avoir un sens même si après moi, rien... C'est sans doute tout cela qui m'a poussé à écrire, (à finir d'écrire devrais je dire), cette pièce de théâtre totalement autobiographique. une plongé totale au coeur de mes vieux journaux pour retrouver la parole exacte de cette pré-adolescente qui traitait secrètement son père de salaud, qui trouvait dans l'écriture un soulagement à sa peur de lui. Mais aussi découvrir ce qui même là, ne pouvait se dire, surtout à propos de ma mère. C'est tabou la mère, ça ne s'abandonne pas.
Bref, cette année là, je mis le mot "fin" sur cet écrit, je me pris à rêver qu'elle se jouerait. Je l'ai fait lire à deux comédiennes qui m'ont dit "oui". Alors, finalement j'ai trouvé un sens à tout cela, toute cette peine de petite fille, ça valait la peine finalement...

Oui, cette année là, ce fût celle des deuils qui amènent l'apaisement...