13 novembre 1960. Anna Fedorovna vient de naître. Cela fait plus de cinq mois que je suis un foetus dans le ventre de ma mère mais personne ne connaît encore mon existence. Ma mère porte toujours ses jupes taille 36. Son état est insoupçonnable. Toutes les nuits, elle reste les yeux ouverts dans le vide. Dans quelques jours elle va annoncer à ses proches qu'elle est enceinte, et seulement alors son corps se modifiera et je prendrai ma place. Fille ou garçon ? Il faudra encore un peu de temps pour que ma mère puisse me concevoir comme un être inscrit dans un genre, masculin ou féminin. Pour l'instant, je n'existe pas encore vraiment.

1960, dans un bourg du Sud-Ouest de la France, l'heure n'est pas à l'enfant-roi dont on collectionne les échographies in utéro. C'est une époque où l'on tombe enceinte comme on tombe dans l'escalier, au risque de se casser le cou. Les filles-mères font tordre le nez des femmes honnêtes : mais qui est le père ?

Il me faudra attendre seize ans avant d'avoir la réponse à cette question.