9 novembre 1989. Un mur tombe pendant que nous achetons les nôtres, un appartement pour trois et bientôt nous l'espérons pour quatre. Des murs qui feront de nous des salauds de propriétaires, parce qu'on vieillit aussi – et peut-être que pour le coup on vieillit bien parce qu'est-ce que ça veut rien dire cette histoire hein, vous connaissez le prix des loyers en région parisienne ?

Un mur tombe et c'est fascinant ; je passe la nuit devant la télévision, la gorge serrée par l'émotion. L'euphorie des jeunes et moins jeunes juchés sur son faîte pour le jeter à terre, les joyeux cris d'encouragement, des gens qui ne se connaissent pas et tombent dans les bras les uns des autres en pleurant et de vraies retrouvailles, ces images, je les ai déjà vues dans des documentaires, ce sont les mêmes qu'à la Libération. C'est là aussi la fin d'une guerre. Good bye Lenin ! A quelques mois près, je suis pratiquement née avec le « mur de la honte ». Pas une semaine depuis que je suis assez grande pour comprendre ne s'est écoulée sans que j'entende à la radio ou à la télévision le récit d'une tentative de franchissement heureuse ou malheureuse.

Sur la place Tiananmen, en avril de cette même année 1989 un homme se dresse contre les chars, Bush (le père), déclarait la Guerre froide terminée tandis que partout dans les pays de l'Est les dictatures s'effondrent, Vaclav Havel est élu en Tchécoslovaquie, le Dalaï Lama reçoit le prix Nobel de la Paix, la fin de l'Apartheid frémit en Afrique du Sud, Pinochet a déjà un pied dehors. C'est sans doute l'une des années où j'ai le plus cultivé l'espoir de voir tous les murs tomber un jour.

Ha ha.

Un mur tombe mais certains ont horreur du sans-mur alors ils en referont un, onze ans plus tard, là-bas au loin et celui-là aussi fait honte.