Les souvenirs sont vagues, peu construits, je sais simplement des petites choses. Mon environnement est souvent féminin, mais je crois que je m’en rendrai compte plus tard et de plus en plus en prenant de l’âge. Maman s’occupe de moi, ma sœur m’emmène à l’école, pour les sorties, je suis sous la vigilance de ma grande mère. Les sorties sont limitées à la ville voisine, Frouard, où habite une sœur de ma grand mère, la Tante Jeanne, et l’oncle Emile, on dit le « nonon », et dans ce cas précis le « nononmile ». Là aussi les conversations sont tenues par les femmes, nouvelles des voisins, de la famille, progression du p’tit dernier…. Je suis surpris de l’absence des hommes dans mon souvenir, je sais qu’ils vont à l’usine, tous, mais on ne sait rien d’eux. Ma grand-mère, (chez nous on dit Mémère, Mamie ça sera après 1970) Mémère Georgette est née avec le siècle, en 1900, son mari le Pépère Georges également. Elle a subi une éducation sévère, où la religion était la clé de voûte de toutes les explications. Avec ses parents, elle s’exprimait en patois, ou le vouvoiement est de rigueur pour parler aux plus anciens. Mémère Georgette va beaucoup compter dans ma vie, pas par un choix affectif de ma part, mais parce qu’elle est là. Elle est présente, elle aide sa fille unique, souvent. Les lessives se font encore à la main, il y a un lavoir dans la maison. Il faut faire bouillir le linge, le jardin doit être entretenu, il supplée à l’alimentation, il y a les lapins et les poules pour le dimanche, et donc beaucoup à faire.

En fait le mouvement, l’animation, les mots, l’aide, les conseils, tout cela vient des femmes. Il y a des hommes, mais ils vont toujours quelque part, ou ils y sont, ou en reviennent. Là, à l’endroit présent , j’ai l’impression qu’ils sont de passage.

C’est curieux, je me rends compte que les femmes et les hommes dans mes souvenirs ont des tâches différentes, ils ne font rien ensemble ou si peu. Façon de voir les choses ou réalité ?