Petits cailloux et ricochets - Mot-clé - 19832023-02-07T15:12:35+01:00urn:md5:293918c222cac4e77917ece79657296cDotclear1983-84: Au tout débuturn:md5:6cb8f63a08cd966d48936f91ff8b376c2022-10-26T17:58:00+02:002022-10-26T17:02:46+02:00Nasivirude 19xx à 20060 an19831984année de naissance <p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%">Je suis née.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%"> </p>
<p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%">Quatrième enfant de mon père, première enfant de ma mère.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%">S’interroger sur sa propre naissance, c’est toucher à quelque chose d’avant, qui n’appartient qu’à ses parents.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%">Du prologue, je ne sais évidemment que ce qu’ils m’ont raconté. Qu’elle pensait ne pas vouloir d’enfants, qu’elle avait peur d’être aussi toxique que sa propre mère. Qu’il a insisté, lui qui était déjà trois fois père, parce qu’il avait peur qu’elle regrette plus tard ce choix. Et qu’elle a accepté, à condition de prévoir deux enfants, parce qu’elle ne voulait pas condamner son enfant à être aussi solitaire qu’elle l’avait été elle-même. Deux ou rien, c’était le deal.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%">Ce que je crois, moi, c’est qu’il n’a pas eu trop de mal à la convaincre. Leur relation date de fin septembre 1981, et je suis née début juin 1983. Je ne sais plus quand j’ai fait le calcul, mais j’ai l’impression d’avoir toujours su que l’envie d’avoir des enfants pouvait venir vite, dans une histoire d’amour.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%; text-decoration: none">Je suis née d’une asymétrie, d’un père agé de quarante-cinq ans et d’une mère seize ans plus jeune. D’un père normalien, et d’une mère passée par un lycée agricole et une école d’assistante sociale. Sur le papier, c’était pas évident, cette histoire. Mais dans les faits, ça l’a été, évident, pour eux.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%"><span style="text-decoration: none">L</span><span style="text-decoration: none">a légende familiale veut qu’ils aient ét</span><span style="text-decoration: none">é</span><span style="text-decoration: none"> farfouiller dans un de ces bouquins recensant tout un tas de caractéristiques plus ou moins bidon</span><span style="text-decoration: none">s</span><span style="text-decoration: none"> sur les prénoms. Pour le mien, ça donnait :« Il faut s’occuper d’elle, sinon c’est elle qui s’occupe de vous, et c’est pire. » Ca les a apparemment décidés. </span></p>
<p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%"> </p>
<p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%"><span style="text-decoration: none">Ils m’ont donc prénommée. </span><span style="text-decoration: none">Et m’ont appelée </span><span style="text-decoration: none">ensuite,</span><span style="text-decoration: none"> dès ma toute </span><span style="text-decoration: none">petite</span><span style="text-decoration: none"> enfance, par un surnom que toute ma famille utilise </span><span style="text-decoration: none">depuis</span><span style="text-decoration: none">. Au point que j’ai mis plus de 25 ans à réussir à m’identifier, un peu, à mon prénom. </span></p>
<p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%; text-decoration: none"> </p>
<p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%; text-decoration: none"> </p>1983urn:md5:2da298cecb4ca3c5bfb16a5d2ec3371b2008-04-24T21:18:00+00:002008-04-24T21:18:00+00:00cassymaryde 19xx à 20061983 <p>Mes études sont déjà loin. Je suis toujours avec le même petit copain, celui que j'ai rencontré lorsque j'avais 17 ans. J'en ai maintenant 23 et quelquefois, lorsque je vois dans la rue de jeunes femmes avec des landaus, je me mets à rêver qu'un jour, je serrerai un bébé dans mes bras. Et puis je chasse vite cette idée. Dans un an ou 5 ans, je serai où? Je ferai quoi? J'ai l'impression étrange que je suis en transit. Que bientôt ma vie va changer.</p>
<p>Depuis que j'ai arrêté mes études, je n'ai pas vécu d'anxiété importante. Petit à petit, la peur de rechuter s'est estompée. J'en viens à penser que je suis guérie.
Fin 83, Je trouve un boulot, stable cette fois.
Et puis, la rencontre a lieu.</p>
<p>Le coup de foudre, vous connaissez? Lorsque les regards se croisent et qu'instinctivement, on sait. Que c'est lui et personne d'autre.
Il y a comme une onde électrique qui vous traverse le corps, juste au moment ou la rencontre a lieu.
Ce n'est qu'après, lorsque vous détournez le regard que le manque est déjà là.</p>
<p>J'avais un petit ami, qui m'aimait et que j'aimais, un avenir tout tracé et en l'espace d'un instant, tout a explosé.
Il m'a avoué bien plus tard qu'il avait ressenti la même chose.</p>
<p>L'année 1983 se termine sur cette rencontre, qui restera platonique encore quelques mois.</p>1983:25 Détention préventiveurn:md5:9f55bc2de3984ffcf65300d348fd0a372007-11-23T05:06:00+01:002007-11-23T05:06:00+01:00Otirde 19xx à 20061983à 25 ans <p>Yoram a été arrêté. Il attend son procès à Bois d'Arcy et <a href="http://otir.net/dotclear/index.php/2007/08/26/271-lettres-d-un-jeune-homme-en-prison" hreflang="fr">nous nous écrivons</a> très régulièrement. Je fais le <em>go-between</em> entre lui et Cathy, sans jamais jouer les Cyrano mais en étant bien consciente que ma plume leur sert de liaison, tant que celle-ci est rendue physiquement impossible. Est-ce la raison pour laquelle je ne croirai jamais en moi ensuite, parce que cette liaison avortera peu après la sortie de prison, quatorze mois après le début de leur séparation forcée ? A force de vivre par procuration, comme spectatrice impuissante, j'ai désappris le pouvoir.</p>
<p>Je suis pourtant choisie pour une nouvelle promotion : quitter le courtage et aller chez l'affréteur, surtout quand c'est une très grosse multinationale, ça en jette. Suffisamment pour que Andy en soit à nouveau vert de jalousie et réussisse cette fois-ci à me blesser, comme quoi les mots blessent mille fois <a href="http://ricochets.des-blogueurs.org/post/2007/11/07/1980%3A22-Working-girl" hreflang="fr">plus que les marques physiques</a> dont on arrive mieux à surmonter les traumas. C'est la deuxième fois de ma vie que je reste pantoise devant une manifestation d'antisémitisme primaire et à nouveau, je ne sais pas comment me défendre de cette agression gratuite, probablement viscérale et totalement inconsciente de sa part, que j'ai bien du mal à lui pardonner finalement.</p>
<p>Je pars cependant la tête haute et ne sais pas que je cours me jeter dans la gueule d'un loup mysogyne, un univers de cadres impitoyables qui va broyer toutes mes piètres ambitions et achever de me couler. Je ne suis pas à ma place, et à nouveau, il n'y a personne, même pas mon père qui est pourtant de la partie, pour me protéger. L'intitulé de ma fiche de paye est plus ronflant, mais je vais le payer cher.</p>1983, année 6 -- Apprendre à lireurn:md5:942bfb56cbf1a1d3360b3be472fc3dd62007-06-05T21:50:00+02:002007-06-05T21:34:05+02:00Thomasde 19xx à 20061983à 6 ans J'entre à l'école élémentaire. J'ai la même maîtresse que l'an dernier, en grande section de maternelle. C'est Mauricette, c'est aussi la voisine du dessus et la maman de mes copains. C'est elle qui nous accompagne dans ce tournant crucial, cette charnière, le début de la grande aventure. On va apprendre à <em>lire</em>. Les petites phrases en relief sur les biscuits, les affiches dans la rue, les livres petits et gros. Un monde nouveau. Non, mille.<br /><br />Il y a dans la bibliothèque de la classe un bouquin dont je ne me lasse pas : l'histoire d'un petit garçon qui tombe malade et va à l'hôpital se faire opérer de l'appendicite. Je le lis et le relis semaine après semaine, toujours aussi avidement.<br /><br />L'écriture, c'est plus difficile. Je me souviens de mon premier cahier. Une ligne de gros caractères (les majuscules, c'est plus facile à dessiner, alors je refuse obstinément de tenter la cursive) étalés sur toute une double page. À force de persuasion, cependant, Mauricette arrive à me faire faire mes premières lettres sur la ligne. Je n'ai pas dit mon dernier mot, et j'aurai bien d'autres occasions, plus tard, de renâcler aux travaux de plume. Mais elle a parié sur le long terme, pour quand, bien des années plus tard, j'y prendrai goût.1983 : 17 ans seconde chanceurn:md5:73be2953f4f93f5707affcf32c1fbf422007-05-20T22:09:00+02:002007-05-20T22:09:00+02:00sicalipticde 2006 à 19xx1983à 17 ans <p>J'ai redoublé mes notes sont meilleures sauf en math où je termine l'année avec une moyenne pire que deux ans plus tôt, le prof m'a pris en grippe, semble t il. Pourtant en première j'aurais 17 de moyenne, ce n'était pas un problème de compréhension juste un problème de niveau, leur tronc commun ne tenait vraiment pas compte des littéraires.<br /></p>
<p>Je prends des cours de dessins en option et aussi en cours du soir au centre culturel, où l'artiste qui nous enseigne se prend de passion pour moi. Quand je vois ce que je faisais à l'époque je me demande comment je pouvais m'en satisfaire mais les encouragements répétés m'ont convaincu que c'était peut être ma voie.<br />
Je fais une demande de première arts plastiques à Bordeaux, le dossier est refusé, mon lycée me propose alors d'intégrer une première gestion, je hurle, moi qui déteste les chiffres.<br />
Je n'ai plus 16 ans, l'école n'est plus obligatoire, je décide de tout arrêter. Et je vais au cinéma voir des films d'art et d'essai. Cette passion me durera des années. Réaction d'enfant gâtée, je ne me souciais même pas d'avoir à travailler, où avais je la tête?<br />
Heureusement, mon père me déniche deux écoles qui veulent bien de moi, Arcachon et Périgueux. Je choisis celle qui n'a pas de changement de train pour s'y rendre malgré les conseils de mon prof de dessin. Et ce choix a modelé ma vie future.</p>1983urn:md5:a53e515346bba4ecd5f7dde668eceaf92007-05-17T09:02:00+02:002007-05-17T19:13:29+02:00hiverdupianode 19xx à 20061983année de naissance <p>C'est la fin de l'année, presque l'hiver. <br /></p>
<p>Ma mère dort encore sous l'effet de l'anesthésie.
La césarienne était prévue à 8h45, le 9 novembre 1983, car l'obstétricien était en vacances les semaines suivantes. Je suis donc née avec 2 semaines d'avance, sans que l'on m'ait prévenue d'aucune sorte. <br /></p>
<p>On remonte ma mère dans sa chambre, moi avec, je suis dans les bras de la sage-femme. Mon père est dans l'ascenceur avec nous. La sage-femme lui dit « Prenez-la si vous voulez ». Mon père me reçoit dans ses bras, très ému. J'ai été d'abord dans les bras de mon père. <br /></p>
<p>Peu après, je pleure, je hurle. On m'a arraché à ma bulle, à mon ami le placenta, à mon liquide chaud et doux 2 semaines avant. Je hurle. J'avais droit à ces 2 semaines de plus. Je hurle. Je n'étais pas préparée à sortir. Je hurle. La sortie ne s'est pas passée comme je l'avais imaginée. Je hurle. On a soudainement ouvert mon plafond rond, on m'a sorti le plus rapidement possible. Je hurle. Je n'ai rien traversé, est-ce normal? Je hurle. Je ne comprends pas. Je hurle. 2 semaines. Je hurle. Je pensais avoir 2 semaines tranquilles, pour descendre, me tourner, me préparer à la vie. Je hurle. Mes parents ne dorment pas. Je hurle. Rien ne me calme. Je hurle. Les nuits se ressemblent. Je hurle.<br /></p>
<p>Pendant 6 mois.</p>1983 (9) : les mots et les coups de foudreurn:md5:80c5c477c562471da2c07a6d0d71e5022007-04-10T14:43:00+02:002007-04-10T13:52:34+02:00cacode 19xx à 20061983à 9 ans <p>Après les tourments des dernières années, enfin, une trève.<br /><br /></p>
<p>Je vais à la petite école de mon village, j'excelle en classe, j'ai des amies.<br />
<br />
Les mots font une entrée fulgurante dans ma vie, avec un roman que je ne lâcherai plus une fois ouvert, un livre à la tranche verte, <em>La croix de Santa Ana</em>.<br />
Mon premier coup de foudre.<br /><br /></p>
<p>En classe, c'est la poésie qui s'empare de mon stylo, du moins certains jours - l'invitée est surprise.<br />
Je vois parfois l'institutrice me regarder étrangement.<br />
Quelquechose se trame, entre les mots et moi.<br /><br />* <br /><br />
Cette année-là, je respire, je ris, je vis. Je vais vers les autres, aussi.<br /><br />
Première colonie de vacances, l'été à La Rochelle. Il vient d'une lointaine ville inconnue, ses cheveux sont blonds, il est beau comme le soleil, il fait courir mon coeur, il s'appelle Jérôme. Nos partageons nos sentiments, et notre immense pudeur. Pendant 3 semaines, nous nous regarderons à la dérobée sans oser nous effleurer les mains.<br /><br /></p>
<p>Je sais enfin ce que les grands veulent dire lorsqu'ils me demandent si je suis amoureuse, et qui est mon petit copain. Si j'avais pu m'imaginer une seconde qu'ils parlaient avec autant de désinvolture d'un tel bouleversement...</p>1983 : 03 - L'écoleurn:md5:b24ec043733b7d4bd73d0c5beaa7f16e2007-03-16T14:44:00+01:002007-03-16T14:44:00+01:00chuliede 19xx à 20061983à 3 ans Ma première école, c'est celle du village de mamie.
<br /><br />Pourquoi on m'avait mise là ? <br />Maman était à l'hôpital et Papa travaillait.
On ne pouvait pas trop s'occuper de moi !
<br />Non, je n'étais pas abandonnée. J'étais comme en grandes vacances chez mamie.
Et puis, nom de dieu, j'allais à l'école !
<br />Chaque enfant avait son coussin qu'il ramenait de la maison. Le mien était marron avec des fleurs jaunes et blanches. J'avais un gilet marin à capuche. Je mangeais une banane pour le goûter. Il y avait des pieux avec des pneus dans la cour. Et ma cousine auprès de moi.
<br /><br />Et puis maman a perdu le petit frère, et je suppose que je suis retournée à l'école en face de la maison.1983 : Baptêmeurn:md5:842ca19c0ac1963467d49b91665c65372007-03-13T10:49:00+01:002007-03-13T10:49:00+01:00pistilde 19xx à 20061983à 2 ans <p>L'église de Montaigu, minuscule, mais claire et chaleureuse, est pleine de monde.</p>
<p>Une enfant aux yeux bleus - les yeux bleus qu'ont tous les enfants de cette famille du village - une enfant d'un enfant du pays donc, est habillée d'une robe en soir blanche qui bouffe autour de sa couche. Et tout les familiers de ce coin perdu du Jura sont venus dirait-on l'accompagner jusqu'à l'autel.</p>
<p>Mon parrain, ma marraine s'avancent, et tout athées qu'ils sont promettent de me servir de guides. Ma mère se surprend à être émue elle aussi.</p>
<p>Mon père, et avec lui ses parents, sont gonflés de la joie lumineuse de leur foi. Le moment où je souris de la main mouillée du prêtre sur mon crâne est une grâce pure.</p>
<p>Plus tard, bien plus tard dans la nuit, une enfant de deux ans et demi s'éveille en hurlant "Oui je le rejette ! Oui je le rejette !". Je suis glissante de sueur. Trop d'émotions, trop de grandeur, pour un si petit être.</p>
<p>C'est l'église où j'ai été baptisée, celle où j'ai reçu ma communion. Quand je m'imaginais me marier, c'était là. C'est celle où j'enterre mes morts. C'est la seule que je fréquente, rarement, pour y entendre le chant de mon grand-père. Il y a des souvenirs autour de ces murs, de quand on allait chercher le Père Noël, minots, puis quand on avait grandit et qu'on bernait à notre tour les plus petits, pendant que les adultes plaçaient les cadeaux.</p>
<p>Les lieux nous marquent. Là où ça compte pour moi, même agnostique, lointaine et absente, je suis une enfant de la petite église de Montaigu.</p>1983:1 Archive #1urn:md5:29d1a3c8313c246d5e306f13eb105bc62007-02-03T21:16:00+01:002007-02-05T15:41:57+01:00florencede 19xx à 20061983à 1 an <p>Aussi bizarre que cela puisse vous paraître, j'ai des souvenirs de mes "un an". Ou plutôt de mes un an et demi.</p>
<p>Je me souviens de quand j'étais sur le pot, que j'avais un petit piano à queue dont toutes les touches ne fonctionnaient pas, et je me souviens d'un repas.<br />J'étais dans une chaise haute, à table, et j'étais seule. Il y a avait de la visite ce jour là, la cousine de ma maman, son mari et leur fils, tout juste moins vieux que moi de quelques mois. Sur la table, il y avait du pain grillé, et de l'ail. Et mes parents frottaient l'ail sur le pain. Je m'en souvenais, et j'étais seule, je me suis penchée pour attraper le pain et/ou l'ail, et j'ai voulu imiter mes parents. Sauf que. A un an, l'ail cru sur du pain, ca pique, et j'ai un souvenir que ca me piquait vraiment beaucoup ! La bouche en feu. Pendant ce temps là, mon cousin a fait une sieste dans mon petit lit, qui était le long d'un mur. Sur ce mur, il avait un grand poster d'environ 2m de haut, qui représentait un arbre rempli de scénettes avec des oursons bleus qui, je crois, était la mascotte d'une marque de petit pot de bébé. Je sais que je passais du temps debout dans mon lit à contempler ce poster, à causer à ses petits oursons bleus... Et mon cousin, lui, n'a pas trouvé mieux que de me déchirer ce poster. Je me souviens en avoir pleuré. Mes parents aussi étaient un peu déçu, et ils l'ont rescotché.</p>
<p>J'avoue que j'étais peut-être plus proche des deux ans, que des un an. Mais j'étais vraiment très petite, et c'est je crois, mon tout premier souvenir.</p>1983 : 00 - Naissanceurn:md5:5b459e7592350de81d8387495279311d2007-01-26T22:49:00+01:002007-01-26T22:55:29+01:00Laurencede 19xx à 20061983 <p>Le 23 au soir, ma mère sait que je vais arriver. Elle nous emmène donc à la maternité, ou elle rencontrera LA sage femme la plus tarée du monde. "Oui mais vous voyez, madame, faut souffrir pour avoir le droit d'avoir un enfant". Elle devra donc attendre le lendemain, vers midi, qu'une autre sage femme veuille bien prendre le relais pour avoir le droit d'accoucher. Une des qualités de ma mère, c'est la patience. Et là, elle l'a vraiment été.</p>
<p>Je suis née le 24 octobre 1983 à 12h35, du coup, je suis scorpion. A priori, j'ai faim, j'ai ptet même besoin d'un peu de sucre. Et pouf! Voilà ma toute première hypoglycémie. Ca commence bien :/
Me voilà donc dans un coin plus tranquille avec une perf de sucre dans le crâne, aux cotés de deux autres gamins qui ont eu droit au même traitement que moi, à une différence près, ils étaient un peu en avance. Plus tard, on me dira que je ressemblait à Bouddah à coté des deux autres petites crevettes.
Merci, ça fait plaisir.</p>
<p>Si les chromosomes avaient fait de moi un garçon, mes parents m'auraient apellé Luc. Coup de bol, je suis passée loin des références de Star Wars, et en plus j'ai évité le prénom de Laura, que tous les parents fans de Johnny avaient adoptés. Du coup, je m'apelle Laurence. Laurence Simone Raymonde même.
Ca commence vraiment bien ;)</p>1983:23 des trous dans le carnet d'adressesurn:md5:5be217f114647efb43cce4dec13e49e52006-12-05T18:41:36+00:002007-01-19T14:45:50+00:00Kozlikade 2006 à 19xx1983 <p>L'info nous arrive en France de l'Institut Pasteur. Le virus du sida s'appelera successivement L.A.V. puis V.I.H. Ou H.O.R.R.E.U.R. Et les années qui viennent verront se creuser les trous dans nos carnets d'adresses. Oui, chez les copains homos, mais pas que. Il y a aussi Tara la junkie, Christine que son horloge biologique avait réveillée à 38 ans et qui voulait à tout prix un enfant, avec n'importe quel type levé dans un bar, et Stephie qui ne voulait s'attacher à personne, et Laura qui révisait son Kamasoutra, et les baba cools à sexualité communautaire, et... Soudain c'est l'inquiétude pour tous.</p>
<p>On se croyait protégés avec la pillule, les MST n'étaient pas bien fréquentes, personne de mon entourage à part justement quelques homos fréquentant assidument les saunas ne se protégeait avec les préservatifs. On entend tout et n'importe quoi sur la propagation. Les baisers, les brosses à dents, les serviettes de toilette, la vaisselle. Tout. Le plus absurde est facile à ignorer mais pour le reste ? De quoi devons-nous avoir peur ? Quelles précautions devons-nous prendre ?</p>
<p>Le silence est pesant. Très peu de malades le disent, encore moins de séropositifs, en tout cas pas en milieu hétéro. « Machin est malade. Tu sais... » On apprend à comprendre les points de suspension.</p>
<p>La sexualité sans soucis aura duré une dizaine d'années. Avant il y avait le spectre de la grossesse non désirée, après celui du sida. Le réveil des évangélistes de la bonne morale est tonitruant. J'irai jusqu'à dire qu'ils exultent littéralement : <em>punis, vous êtes punis</em> nous crient leur componction aux interviews télévisés où ils prônent la fidélité et l'abstinence. Oh certes, il y a bien ces pauvres transfusés mais enfin les autres, <em>ils l'ont bien un peu mérité non ?</em></p>
<p>Le souvenir le plus dur n'est pas celui qui m'a touchée de plus près. C'est celui d'un collègue, Luc, que je ne connaissais pas beaucoup. Nous nous croisions au cours de remplacements effectués dans tel ou tel quotidien. Un jour de 1985, nous étions tous deux assis sur le rebord d'un trottoir tandis que j'essayais de happer quelques filets d'air après une crise de panique particulièrement aiguë ; il m'avait vue perdre pied et m'avait jetée-poussée dehors en marmonant une quelconque excuse bidon à l'adresse du chef et nous étions là, ce gars que je connaissais si peu et moi, au bord d'un trottoir de la rue du Croissant. Il me demandait de parler et parler, de décrire minute par minute ce qui se passait dans ma tête et il a continué jusqu'à ce que je m'apaise suffisamment pour retrouver un rythme cardiaque normal. Et puis on a bavardé. Il me disait qu'il avait des crises d'angoisse lui aussi, mais pas comme moi, lui c'était au sujet de son compagnon qui était hospitalisé depuis une semaine, « en bout de course » et qu'il ne se décidait pas à aller voir parce que sa famille n'était pas au courant de son existence.</p>
<p>« Tu m'accompagnerais si j'y allais ? »</p>
<p>Alors le lendemain nous étions allés à l'hôpital. La personne du guichet nous avait indiqué la chambre et avait fait un signe de la main à la femme qui passait dans le couloir : « Ah tiens justement, voilà sa maman. Ils viennent voir votre fils madame. » Mais la femme s'était tournée vers nous en secouant la tête. Non, ne venez pas, il ne veut pas qu'on le voie dans cet état-là. Luc a dit que nous étions des amis. Non, non, que la famille, insista-t-elle. Elle ne regardait que Luc, elle disait « la famille seulement ». Alors Luc a pris une grande inspiration et a dit « Je ne suis pas <em>un</em> ami, je suis <em>son</em> ami. » Elle n'a pas bougé un cil : « Pas d'amis, que la famille. »</p>
<p>Nous sommes retournés devant l'ascenseur, je ne savais pas si je devais dire ou faire quelque chose, Luc était tout blanc. La femme de la réception (une infirmière ?) n'avait pas bougé la tête de ses papiers. Elle s'est levée et a interpellé la mère « Mme L., puisque vous êtes là, vous voulez bien me suivre pour remplir des papiers ? Comme ça vous serez tranquille après plutôt que je vous dérange pendant que vous êtes avec votre fils. Nous en aurons pour un quart d'heure environ. Venez dans le bureau. Et elle a ouvert la porte et lui a fait signe d'entrer. Et elle a refermé la porte en regardant Luc, <em>go, go</em> disait son regard. Il y a des gens formidables aussi.</p>
<p>J'ai dit à Luc que je l'attendais en bas pendant qu'il se précipitait à pas feutrés vers la chambre, comme un voleur. C'est pourtant à lui qu'on volait quelque chose.</p>